mardi 29 novembre 2011

Bienvenue au Loup dans le Cantal


Au milieu du XXème siècle, le dernier loup d'Auvergne est abattu. En 2020, la présence d'au moins 2 loups  de souche italienne est avérée dans les Monts du Cantal. Entre ces dates beaucoup d'évènements se sont accumulés. Retour sur un retour.
Dans la nature, le loup craint l'homme et le fuit, et le promeneur n'a rien à craindre de cet animal. Mais au cours de l'histoire notamment en Europe, des cas d'anthropophages se sont produits. Nier ce fait ne tient pas l'analyse des données historiques même si beaucoup de faits ont certainement été amplifiés ou inventés. Il n’en reste pas moins, qu’un certain nombre de sources différentes se recoupant, ne peut pas être récusé. Cet épisode s'explique par une conjonction improbable d'évènements qui ont eu lieu au cours des siècles passés mais qui n'ont plus lieu en France depuis des dizaines d'années.

 Pour ne plus jamais revoir ça ! Une patte de loup de 1880 clouée sur une porte de grange dans le sud Cantal (photo J. MOREL)
Jusqu'au XIXème siècle, la densité de population des loups était importante. Durant des siècles des hommes, puis des "louvetiers" ont entrepris de croiser des chiens avec des loups pour obtenir des individus plus "efficaces" à la chasse. Cela a impliqué la capture de louveteaux qui de fait ont été imprégnés par l'homme. Des générations de loups imprégnés et de chiens/loups mi-sauvages, mi-domestiques ont été créées. Ces individus dominés par leurs instincts sauvages ont souvent cherché à retourner vivre dans la nature et dès que l'occasion se présentait quittaient leur maître. Leur imprégnation par les hommes, les ont rendus familiers voire curieux envers leurs anciens maîtres, c'est à dire qu'ils ne les fuyaient plus et n'en avaient plus peur. Au XVIIème siècle, ceci est attesté par le fait que l'entretien de murailles des cimetières et l'apposition de pierres tombales étaient devenus nécessaire pour éviter la visite de canidés indésirables et le déterrement des cadavres. Des milliers de registres paroissiaux le démontrent. Ceci ne valait que pour les grandes villes. Dans le reste de la France, ravagé par les guerres incessantes, les famines et les épidémies, avant de s'occuper des morts, il fallait chercher à survivre. Vers le XVème siècle, des canidés ont donc pu consommer de la chair humaine à la faveur de ces nombreux cadavres laissés sans sépulture. Ainsi, dans ce contexte très précis (qui n'est plus connu en Europe de nos jours) dans de très rares cas, des "loups" se sont spécialisés sur la prédation d'hommes. Ces loups anthropophages, bien que rares ont marqués l'histoire. Dans chacun de ces cas relatés, il s'agissait très probablement de loups imprégnés ou de chiens-loups. Les témoignage sont parfaitement concordant et attestent que dans chaque cas de prédations, les faits ont été attribués à 1 seul voire 2 canidés. Ceci ne correspond pas  avec l'éthologie des vrais loups sauvages qui vivent en meute. Une fois imprégnés et ou croisés, ces "loups" retournés à la vie sauvage n'ont pas pu intégrer des meutes de façon définitive. Ils en étaient probablement exclus du fait de leur caractère hybride. Ce sont ces individus, seuls, n'ayant plus peur des hommes et aux abois, qui ont pu s'en prendre à des humains (surtout des femmes et des enfants). En Auvergne, une région a même du être rebaptisée suite à une série d'attaques tragiques. L'impact de ces prédations sur la population Auvergnate n'est bien sûr pas comparable à l'impact d'une guerre ou d'une épidémie. Une estimation du nombre d'hommes prédatés par ces individus assimilés à des "bêtes" (les contemporains ne s'y été pas trompés. Ils avaient bien conscience qu'il ne s'agissait pas de "vrais loups") s'élèverait à 3000 morts en France entre le XVème et le XXème siècle (d'après Moriceau, 2007). Ce nombre de victimes (malgré qu'il soit peu élevé et étalé sur plusieurs siècles) et les attaques de loups malades de la rage ont fini de rendre cette espèce indésirable auprès des hommes. Ainsi, via un système de prime à sa destruction, le loup fut pourchassé jusqu'à son extermination totale de France vers le milieu du XXème siècle.
Les derniers loups d’Auvergne ont été officiellement tués en 1927 (l’un en Haute-Loire, et l’autre dans le Cantal à Saint-Jacques-des-Blats), mais un individu a été vu la même année aux Essarts près du pont de Coindre (Gorges de la Rhue, Cantal) et, d’après les journaux locaux, plusieurs loups réfugiés dans l’Aubrac en 1942, ont été abattus près de Saint-Rémy-de-Chaudes-Aigues (Cantal). Le dernier loup identifié avec certitude proche de l’Auvergne, a été tué en 1951 en Lozère (Saint-Girons, 1973) alors que le dernier sujet sauvage en France l’a été en 1952 en Haute-Savoie (Hainard, 1961).
Depuis près de 30 ans, on assiste à un retour du Loup en France.
Les premiers retours ont eu lieu dans le Mercantour depuis la fin des années 80. Un loup a été tiré dans les Vosges en 1994. Il venait d'Italie. Comme cela a été démontré, le loup n'a pas été réintroduit. De nombreux suivis GPS d'individus ont permis d'attester la distance incroyable que peut parcourir un loup (100-120 km en 24 heures, 2100 km en 21 jours pour une louve italienne suivie).
En Auvergne, c'est en 1997 qu'un loup originaire des Abruzzes (Italie) après avoir été observé pendant plusieurs mois est fauché par une voiture dans le Cantal (Laveissière). C'est le premier cas en France du retour du Loup hors de l'arc alpin. En 1999, dans le Puy de Dôme (Apchat, Ardes-sur-Couze), un loup (semble-t-il de souche italienne) est abattu par un berger croyant se débarrasser d'un chien errant. En 2005, durant l'hiver, suite à une observation directe d'un canidé correspondant à un loup, des carcasses de cerfs (17 au total) complètement nettoyées à la manière du loup sont retrouvées en forêt communale de Laveissière (Cantal). De sources officieuses, un loup aurait été tiré en Margeride en 2006. En Lozère, depuis 2006, un couple de loups semble fréquenter le secteur de Saint-Laurent de Muret. L'hiver 2008/2009, un loup est observé près du Mont Lozère (les Bondons).

Suite à l'observation directe (photos et nombreux témoignages) et à l'analyse ADN sur deux années consécutives (2008 et 2009) d'un loup unique dans le Cantal (secteur nord des Monts du Cantal), le département a été classé en ZPP (Zone de Présence Permanente du loup). En 2012, un mâle identifié dans le Cantal par son ADN en 2008 est contacté en Lozère. Ces dernières années au moins 2 loups fréquentent les Monts du Cantal, au moins 1en Margeride, au moins 2 en Aubrac, au moins 2 vers le Velay-Meygal et 1 entre les Monts Dore et les gorges de la Rhue.
Ce retour s'explique par le phénomène de dispersion. C'est le fait pour un loup de quitter la meute et son territoire vital. C'est souvent le loup oméga (souffre-douleur de la meute qui sert de variable d'ajustement quand la nourriture vient à manquer ou que la meute devient trop grosse) qui est chassé de la meute ou qui part de sa propre initiative. Cette dispersion joue un rôle fondamentale dans la reconquêtes de territoires, le maintien de la structure génétiques de la population et la régulation de la dimension, l'organisation sociale des meutes de loups. Elle est provoquée par des changements physiologiques (rut, compétition pour la reproduction), par des agressions de dominants sur dominés, par la restriction alimentaire. Cependant, la première raison de cette reconquête flamboyante actuellement en cours en France est due en grande partie à la politique française de régulation de la population par le tir de plusieurs dizaines de loups (jusqu'à plus de 100) tous les ans. Bien souvent, ce sont les couples alphas dominants qui s'exposent le plus en tête et queue de meute dans la nature et qui donc sont plus souvent abattus. Dès lors, lorsque le couple alpha ne peut plus réguler la reproduction au sein de la meute, celle-ci éclate et immédiatement toutes les femelles adultes peuvent se reproduire. Non seulement, ces tirs dispersent les meutes mais en plus accroissent le stress et donc la reproduction des loups. On ne pourrait pas mieux faire si l'on souhaitait accélérer la reconquête du loup en France. Ces tirs de régulations desservent en fait leur but et ne sont là que pour acheter la paix sociale. Néanmoins, la population de loups en France n'augmente pas aussi rapidement que les phénomènes cités juste avant ne le permettraient. Le premier obstacle à la survie des loups est la persécution dont il fait l'objet (braconnage, piégeage, programme de contrôle...). La régression de ses habitats de vie est la deuxième cause de limitation de sa dispersion (collisions dues au trafic routier). Malgré cela, les loups sont moins systématiquement pourchassés, l'espèce est protégée et il n'existe plus de prime à sa destruction. Au final, tout ceci permet quand même un lent mais progressif retour du loup dans ses anciens territoires.
Aujourd'hui, avec une population estimée à plusieurs centaines d'individus en France, on constate que ce retour est corrélé à la densité de proies présentes dans les territoires. Ce qui explique pour partie, que les zones de montagnes abritant des populations de mouflons (préférés au chamois), chamois, cervidés et ovins soient les premiers secteurs recolonisés.
Nous savons que le chemin sera encore long et difficile pour parvenir à la présence pérenne d'une population lupine viable en Auvergne, qui ne sera pas obtenue sans une meilleure acceptation sociale de ce prédateur tout comme celle du Lynx et de l'ours dans d'autres régions françaises.
Le loup vient d'être retiré depuis juin 2009, de la liste des animaux menacé de disparition, ce qui implique que les programmes de tirs sont élaborés, non plus par le ministère de l'écologie mais directement par les préfectures des département concernés. Le sort du loup est donc débattu en local et non plus au niveau national d'où un risque d'incohérence. De plus, les tirs ont lieu en dehors de la présence des troupeaux aux estives. Le nombre de loups tirés en cours d'années est d'environ une centaine et peut être dépassé si cela est jugé « nécessaire » par le préfet.
Entre éleveurs rejetant ouvertement la présence du loup sur nos territoires mais espérant secrètement toucher les subsides des compensations de dégâts sur troupeaux, entre chasseurs n'acceptant pas d'avoir un concurrent sur leurs gibiers, le loup peut jouer un rôle important dans l'équilibre des herbivores sauvages. Il sélectionne ses proies selon la règle du moindre effort. Ainsi, en éliminant les plus faibles il limite la propagation de maladies et permet aux plus forts de se reproduire. Il maintient les herbivores sauvages à un niveau compatibles avec les ressources du milieu et peut permettre d'éviter la dégradation de certains milieux où ils ont tendances à se concentrer (les forêts par exemple). Quant aux dégâts sur les troupeaux, ne devrait-on pas privilégier la prévention à la gestion du loup ?
On le voit, une question émerge sous ce conflit : l'homme peut-il légitimement se réserver pour lui seul, au détriment des autres espèces, la possibilité d'exercer ses impératifs vitaux (boire et manger) ? De ne concevoir les ressources, milieux et espèces que pour son usage exclusif ? Cette question est au cœur du rapport de l'homme à la nature. Avec le retour du Loup en Auvergne, elle est posé avec force. Dans un contexte de prise de conscience de l'impératif de préserver notre environnement, quelle sera la réponse que notre région voudra lui donner ?
 
Moriceau J. M., 2007 – Histoire du méchant loup. 3000 attaques sur l'homme en France (XVème – XXème siècle), Editions Fayard, 623 p.
Landry J. M., 2006 – Le loup, Editions Delachaux & Niestle (Neuchatel), 240 pages.
Collectif, revue « La voie du Loup », FNE, n°1 à 28
Saint Girons, M. C. ­ 1973, Les mammifères de France et du Bénélux (faune marine exceptée). Paris, Doin.
Hainard R. – 1961, Mammifères sauvages d'Europe, Editions Delachaux & Niestle (Neuchatel), 2 V


lundi 28 novembre 2011

Acte de naissance

Fdane Cantal : une fédération de protection de l'environnement enfin dans le département !

La Fédération Départementale des Associations pour la Nature et l'Environnement du Cantal est née en octobre 2011.

Association militante (loi 1901), elle est le porte-parole dans le Cantal de la FRANE (Fédération Régionale Auvergne pour la Nature et l'Environnement) et de FNE (France nature environnement). La FDANE Cantal saura bénéficier de leur expérience et de leur soutien notamment au niveau juridique sur les dossiers d'actualité dans le département.

Une quinzaine d’associations et individuels sont d'ores et déjà membres actifs de la FDANE.

Lors de la réunion de lancement le 21 octobre dernier, de gauche à droite : Jeanne Tourvieille (Bien Vivre à Ste-Anastasie) trésorière, Joël Bec (adhérent individuel et administrateur de la FRANE) secrétaire, Jean-François Madelpuech (Mieux Vivre à Maurs, au Vert, dans le Cantal) le président de la FDANE, Marc Saumureau le président de la FRANE et Bernard Raynaud représentant de la LPO dans le Cantal et membre de l'association.

 

Nos objectifs sont :
  • représenter les associations de protection de l'environnement localement auprès des pouvoirs publics et collectivités locales
  • apporter un regard d’expert, un savoir, des analyses, voire des formations, sur les dossiers inhérents aux questions environnementales
  • fédérer les associations cantaliennes pour qu'enfin la prise en compte de l'environnement dans le département soit une réalité et non un vœu pieux.
Plusieurs articles de presse ont relayé cette réunion ici.

Pour plus d'information on peut utilement nous contacter à notre siège social : Maison des associations, place de la Paix, 15000 AURILLAC.