Pierre Athanaze est un naturaliste militant. Président de l'Association
pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), il a par la passé été membre
du Conseil National de la Chasse (CNCFS) et administrateur de l'Office National
de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) pendant 10 ans. Autant dire qu'il
connaît mieux que personne le monde de la chasse à la française. Il l'a vécu de
l'intérieur et il en connaît tous les rouages, les travers. Le livre noire de
la chasse qu'il nous livre ici fait le point sur ce lobby par la force de
l'exemple, du cas concret et du fait avéré. En voici quelques passages et
résumés qui illustrent son propos.
LA PRATIQUE OFFICIELLE DE LA CHASSE EN FRANCE
Dans cette partie, on découvre
l'absence de statut pour les animaux sauvages. Ils sont soit chassables, soit
protégés ou soit nuisibles. Mais surtout, ils n'appartiennent à personnes et de
ce fait ils ne sont pas considérés comme des êtres sensibles. Les animaux domestiques eux le sont et bénéficient de lois qui les protègent de tout acte malveillant. Ce n'est pas le cas de la faune sauvage.
Avec 90 espèces, la France a
le triste record européen du nombre d'espèces chassables sur son
territoire, loin devant le second, le Danemark qui n'en a que 70, puis
l'Allemagne avec 50. Comment justifier une telle différence ? Comment
justifier que dans d'autres pays les espèces que tuent les chasseurs français
sont protégées ? Où est la cohérence ?
L'âge moyen du chasseur ne cesse
d'augmenter en France avec en parallèle un nombre de pratiquant en diminution
continue depuis 40 ans. Aujourd'hui, avec 1,7 millions de pratiquants, cela
représente une baisse de 50% en 35 ans. La France reste le pays qui possède le
plus grand nombre de chasseurs en Europe mais ces derniers ne représentent que
1,9% de la population française soit une
écrasante minorité.
De plus, avec les espèces
chassables et dites nuisibles, le
chasseur français peut pratiquer son loisir tout au long de l'année ce
qui est encore une particularité unique en Europe.
L'organisation
de la chasse
L'ONCFS est en partie financé par
la taxe sur la redevance cynégétique et par le ministère de l'écologie. Il est
censé encadré la pratique de la chasse en France mais dans les faits, il est
géré par un Conseil d'Administration (CA) où les chasseurs sont majoritaires. Cette collusion entre chasseurs et
administration est également à la base des dérives de cette activité.
La
réalité de la pratique de la chasse en France
Dans la pratique, la chasse
s'illustre bien souvent dans le dénie de démocratie et le non respect des lois
comme par exemple le non respect de la non chasse en période de reproduction et
de migration prénuptiale de certaines espèces listées par la Directive
européenne « Oiseaux ». A de nombreuses reprises, la France est
d'ailleurs condamnée par la cour de justice européenne pour le non respect de
cette directive ce qui coûte aux contribuables des centaines de milliers d'euros
chaque année.
La loi « Chasse » de
2000 tente de moderniser la pratique de la chasse mais ces réformes furent
toutes annulées par Roselyne Bachelot dont notamment le mercredi sans chasse.
La chasse n'est pas un gage de bonne gestion de la faune comme
voudraient nous le faire croire les chasseurs. De nombreux animaux vulnérables
sont toujours chassés comme la Caille des blés, l'Alouette des champs, le
Tétras lyre, le Grand Tétras, le Pigeon colombin ou le Canard chipeau. Pour ne
reprendre que ce dernier dont la femelle est largement confondue avec celle du
Canard colvert, les populations ont chutées de 20 à 50% selon les régions entre
1970 et 2000. Il serait urgent de retirer cette espèce de la liste des chassables.
Des
prélèvements qui dépassent la raison
L'un des chiffres les plus
parlant de ce ivre est certainement celui du prélèvement total en France : d’après un
article publié dans une revue allemande très sérieuse (in Berichte zum Vogelschutz), il
est tué en France près de 25 millions d’oiseaux, soit le ¼ des oiseaux tués
dans toute l’Europe chaque année. La
France est de très loin devant les 26 autres pays de l’UE, le pays du plus gros prélèvement d’oiseaux. Les résultats de cette étude sont vérifiés si on les
compare avec les derniers chiffres officiels des prélèvements français qui
d’ailleurs commencent à dater puisqu’il faut remonter à la période 1998-1999
pour les trouver.
Ce chiffre imposant est en plus à mettre en parallèle avec le fait que ces prélèvements
sont en baisse constante depuis la précédente campagne de chiffres officiels.Les grives étaient 4 fois plus chassées en 1983-1984 qu’en 1998-1999. Pour les
cailles c’était 2 fois plus en 83-84. 15000 Tétras lyres étaient tués à la
chasse en 83-84 et seulement 1134 entre 1998-1999.
De ce fait, la chasse est la principale cause de mortalité des oiseaux dans notre
pays sans parler des mammifères.
La
chasse gestion où chasse consommation ?
Les chasseurs défendent leur loisir en prétendant que la chasse serait un outil de gestion
indispensable des populations animales. Comment auraient donc fait les
animaux sauvages avant l’invention du fusil de chasse pour rester
équilibrés ? Si on ne tuait pas 4.5 millions de grives par an, quel serait
le déséquilibre dans la nature ? Si la chasse épargnait chaque année le
million de bécasses, les lombrics dont elles se nourrissent
disparaîtraient-ils ? Bien sûr que non. Il n’existe quasiment pas
d’espèces qui ne s’autorégulent pas, ni de cas où l’absence de prédateurs
engendrerait des surpopulations. L’exemple
du canton de Genève est une démonstration bien encombrante pour les chasseurs.
Les espèces s’autorégulent en l’absence de chasse et ce depuis des dizaines
d’années sans qu’il y ait eu de pullulation d’animaux. La seule espèce posant
des soucis est le sanglier venant des cantons voisins mais nous verrons au
chapitre suivant que cela est encore du à la chasse et les pratiques qui
l’accompagnes.
Les
cocottes rapportent du fric
Il existe un écart énorme entre
l’image de la « chasse gestion » que tente de mettre en évidence les
institutions cynégétiques et l’image plus réaliste des « lâchers de
tirs » qui va à l’opposé du discours officiel. En effet, ce sont des
millions de canards, des centaines de milliers de lièvres, de lapins de garenne
qui sont lâchés chaque année. Cette
chasse commerciale rapporte beaucoup d’argent à la fédération Nationale des
Chasses Professionnelles (FNCP) et au Syndicat National des Producteurs de
Gibiers (SNPGC). Faut dire que le lobby des éleveurs de gibiers est assez
puissant puisqu’il est arrivé à prolonger
la période de chasse aux faisans juste pour pouvoir écouler les
« stocks ».
De plus, loin de l’objectif de
gestion des équilibres naturels, les carnages occasionnés sur les animaux
lâchers ne sont faits que pour pouvoir assouvir un instinct de mort peu
avouable. Les animaux lâchers sont d’ailleurs d’origine génétique douteuse
comme le « cochonglier » issu du croisement entre le cochon et le
sanglier. Cet hybride est plus gros et plus prolifique que le sanglier sauvage
ce qui augmente les dégâts aux cultures. D’ailleurs, bien que cette notion
n’est aucun fondement écologique, d’après
les mêmes critères couramment utilisés par les chasseurs, le cochonglier devrait
classée « nuisible ».
La
souffrance animale et les accidents mortels dus aux « saigneurs »
La souffrance animale n’est pas
en reste dans ce livre. Le déterrage du
Blaireau semble bien archaïque en France puisque l’espèce est protégée dans de
nombreux pays européens. L’auteur signale que cette souffrance animale
n’est jamais prise en compte par les chasseurs tout comme l’insécurité due à la
pratique de la chasse entre chasseurs et entre chasseurs et non chasseurs. Ce
sont en effet, des dizaines de morts chaque année. Les pouvoirs publics ont
fait des efforts sur la sécurité routière et le respect du droit ce qui
contraste étrangement avec le laxisme accordé aux chasseurs. La majorité des accidents arrivent le
dimanche, jour de loisir de plein air pour une immense majorité de français.
La chasse est l’activité de loisir dont la réglementation sur la
sécurité est la moins contraignante et ce de moins en moins. Par exemple,
il n’existe plus depuis 2008, de distance de sécurité règlementaire interdisant
de chasser à proximité des maisons. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la sécurité liée à la pratique de la chasse
est uniquement règlementée par les chasseurs eux-mêmes, département par
département un peu comme un code de la route variable selon les départements et
instauré par une minorité de chauffards. Pour en savoir plus cliquez ici.
Les
chasses dites traditionnelles
L’auteur examine également toutes
les chasses traditionnelles et leurs travers. Il souligne le fait qu’il n’existe aucun bilan chiffré sur la
tenderie aux grives ni sur les tendelles en Aveyron et Lozère et que la chasse
à la glu n’est pas sélective. Alors que la commercialisation est interdite,
que deviennent les millions d’alouettes attrapées chaque année lorsqu’elles
sont chassées « aux pantes » ?
Le cas
du sanglier
Dans une démonstration appuyée
par de nombreux faits, le cas de la gestion calamiteuse des sangliers est
détaillé. Avec la manne financière qu’il
représente malgré les dégâts qu’il occasionne, le « cochonglier » est
aussi l’argument numéro un des chasseurs pour expliquer que la chasse est
indispensable. Pourtant les
chasseurs sont totalement responsables de cette surpopulation. De
50 000 abattus à la chasse en 1975, on est passé à 700 000 aujourd’hui.
Les lâchers des années 70-80, les lâchers clandestins, l’agrainage et une
gestion volontaire de la surabondance de cette population qui assure aux sociétés de chasse de gros
revenus par la vente de cartes de chasse à la journée ont induit l’explosion
des populations de sangliers dans toute la France. L’interdiction de l’agrainage serait une mesure efficace pour lutter
contre cette prolifération. L’agrainage permet aux marcassins de mieux
survivre les premières années. Comme les cochongliers sont plus gros et donc
plus lourds que les sangliers sauvages non hybrides, ils augmentent d’autant
plus les dégâts aux cultures.
santé
publique et espèces dites nuisibles
L’acharnement des chasseurs sur
les espèces qu’ils aimeraient voir classées nuisibles est symptomatique des
dérèglements qui entachent la pratique de ce loisir.
Les arguments souvent utilisés
pour classer nuisible un animal est la lutte pour la santé publique contre les
maladies transmises par la faune sauvage aux humains ou aux animaux domestiques.
Pas de chance, puisque les millions de tonnes de plomb issus des cartouches des
chasseurs représente un risque majeur de saturnisme et de contamination des
nappes phréatiques et donc du réseau d’adduction d’eau potable des foyers.
Le Blaireau par exemple peut potentiellement être vecteur de maladie
comme la tuberculose bovine tout comme le cerf ou le chevreuil. Faut-il classé
également ces espèces dans les nuisibles ?
L’échinococcose est certes potentiellement véhiculée par le renard tout
comme le chien domestique et les autres animaux des fermes. Faut-il piéger les
chiens domestiques pour autant ?
De plus, d’après l’Agence
Française de Sécurité Sanitaire (AFSSA), tirer
les animaux susceptibles d’être vecteurs ne sert à rien. Tuer un animal
induit une niche écologique qui se libère bientôt colonisée par un autre
individu ce qui provoque un flux d’individus et donc la propagation potentielle
de maladies. Ce qui va à l’encontre de l’objectif initial.
Pire, dans la pratique, les chasseurs abandonne bien souvent les
cadavres des animaux, les viscères dans la nature ce qui pour le coup
représente un risque bien réel de contamination et d’épizootie. Dans un
bulletin de juin 2007 de l’AFSSA, il est mentionné que les chasseurs, par ces pratiques, sont reconnus pour être la principale
source d’infection à Mycobacterium bovis,
l’agent de la tuberculose bovine.
Le
braconnage de la faune
Dans cette partie Pierre Athanaze
nous décrit les cas de grands braconnages organisés sous l’œil passif sinon
bienveillant des pouvoirs publics pendant des dizaines d’années. L’exemple des Tourterelles des bois dans le Médoc, ou le braconnage des
migrateurs hors période de chasse au col de l’Escrinet y sont détaillés avec
force. Tous ces cas sont des flagrants
délits de non respect de la loi, du droit de propriété et du droit européen.
Comment ne pas faire un parallèle entre cette compromission des pouvoirs
publics laxistes visiblement sous le joug du lobby de la chasse et les moyens
disproportionnés mis en œuvre contre les quelques faucheurs d’OGM et la
répression dont ils ont fait l’objet ? Aurait-il fallu que les faucheurs
soient armés et aient en poche un permis de chasser pour que les préfets
concernés les laissent agir ?
Conclusion
Pierre Athanaze démontre que la
chasse n’est pas indispensable au maintien des équilibres écologiques. Les
écosystèmes étaient équilibrés bien avant l’apparition de l’homme et jusqu’à ce
qu’il invente les armes. Dans notre monde bouleversé
par nos activités industrielles, nos infrastructures, les équilibres naturels
n’ont pas plus besoin de la chasse, bien au contraire. La preuve est apportée
par la réalité des équilibres des populations animales du canton de Genève déjà
cité mais également de bien d’autres exemples.
Si la chasse persiste c’est uniquement dans un but de loisir, voire de
culture. Rien d’autre, n’en déplaise aux dirigeants de la chasse qui voudrait
la voir comme un moyen de gérer la nature. Se pose alors la question du maintien de ce loisir si néfaste pour la
nature et pour la santé publique. Pour libérer les 98% de non chasseurs
pris en otage en France, un referendum serait une bonne solution démocratique.
Pierre Athanaze propose ensuite
les mesures d’urgence à mettre en œuvre pour limiter les nuisances de ce
loisir : le dimanche sans chasse, les mesures de sécurité nationales et un
panel de sanctions proportionnées aux manquements aux règles de sécurité pour
les chasseurs, les contrôles ponctuels d’alcoolémie et acuité visuelle, un périmètre
de sécurité sans chasse autour des habitations et grandes voies routières et
ferroviaires, l’interdiction de l’agrainage des sangliers, la création d’un
statut juridique pour la faune sauvage en la reconnaissant comme des êtres
sensibles, le bannissement du prosélytisme de la chasse dans les écoles, la
protection et la prise en compte du caractère dérangeant pour la faune sauvage
induite par la pratique de la chasse dans les phases critiques du cycle de vie
des espèces (migration, grands froids, canicules …).
Notre environnement continue à se
dégrader. Or l’interdiction de la chasse sur des espèces comme les rapaces a
été bénéfique ; la preuve que l’arrêt de la chasse est une bonne mesure
pour les espèces menacées. La chasse n’étant plus qu’un loisir très néfaste
pour les espèces et les milieux et que la protection de la nature et de
l’environnement est l’une des principales préoccupations des français, combien
de temps encore l’administration française, les pouvoirs publics et la classe
politique continueront-ils de soutenir cette chasse ?
Au vu de ce livre, la chasse apparaît complètement en décalage avec la
réalité et les aspirations nouvelles de la société française d’aujourd’hui. Sa
réforme serait un minimum indispensable.
Maintenant pour vous féliciter d'avoir lu ce message jusqu'au bout, rigolons un peu ...
Maintenant pour vous féliciter d'avoir lu ce message jusqu'au bout, rigolons un peu ...
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